A la rencontre de Cathy Manly, écrivaine burkinabè
Dans ce numéro, de votre rubrique « Auteur de la semaine« , nous vous embarquons au pays des hommes intègres pour retrouver une amazone de la littérature burkinabè. Cathy Manly se prénomme-t-elle. Elle se livre à vous dans une interview, Suivez:
- Ladika:Que pouvons-nous retenir de votre présentation ?
Cathy: Pour une présentation succincte, je me nomme à l’état civil Madame MANLY/LOAGBOKO Cathérine Marie Téwendé, et comme nom d’auteure j’ai pris le nom Cathy Manly. Je suis mère de 3 enfants et 2 petits fils. Sur le plan professionnel, je suis titulaire d’un Brevet de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) option Administration Générale et actuellement en service au Ministère de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme.
- Ladika: Comment vous est née la passion pour l’écriture ?
Cathy: Ma passion pour l’écriture, je l’avais depuis plus jeune à travers des formations reçues dans le mouvement d’action catholique des Cœurs Vaillants et Ames Vaillantes (CV-AV). Nos aumôniers et conseillères comme les accompagnateurs nous apprenaient à écrire des « faits de vie». Il s’agit de retracer un fait vécu ou auquel tu as assisté ou encore participé à un dénouement heureux. Donc depuis ce temps j’avais réussi à lier une amitié avec l’écriture.
3.Ladika: Vous êtes co-auteure d’un album de bandes dessinées pour enfants et maintenant auteure d’une œuvre « une victime innocente » qui interpelle sur les responsabilités parentales. Pourquoi choisir d’écrire sur le thème des enfants ?
Cathy: Mon choix de traiter des thèmes relatifs aux enfants peut se justifier d’abord par le fait que j’ai passé toute ma jeunesse dans l’accompagnement des enfants et des jeunes au sein du mouvement cité plus haut et dans d’autres milieux. Ensuite par les expériences de mes rencontres d’échange avec les enfants en difficultés ou avec des aides ménagères que j’ai hébergées et enfin par un besoin d’être la voix de cette couche vulnérable de notre société.
4. Ladika: Comment choisissez vous les thèmes et les personnages de vos livres ?
Cathy: Je choisi les thèmes les plus récurrents après mes échanges avec cette couche vulnérable, mais aussi des thèmes d’actualité sur des difficultés auxquelles certains parents font face sans pour autant faire un lien avec leur quotidien (comportement ou choix inappropriés, manque de temps, absence de communication ou violence dans la communication, mauvaise hiérarchisation de besoin des enfant/jeune…). Quant aux personnages et les lieux, ils sont choisis dans un hasard et parfois très loin de la réalité.
- Ladika: Quels message ou valeurs essayez+-vous de transmettre à travers vos histoires ?
Cathy: Il faut relever que quelques-uns des faits relatés dans « une victime innocente » font cas de la résilience et de la volonté manifeste des acteurs à réussir leur vie malgré leur situation. Cependant d’autres peinent encore à trouver leur place dans cet univers où ils n’ont pas demandé à venir. Consciente que nos enfants constituent notre relève et que c’est par eux que nous pouvons rêver d’un avenir meilleur, j’interpelle d’une part les éducateurs, les institutions de protection des enfants et jeunes, la société toute entière, et d’autre part les parents en tant que premiers responsables de l’éducation de leurs enfants à replacer les enfants aux centre de leurs intérêts. Pour cela, il conviendrait de repenser toutes les dimensions de l’éducation que nous donnons à nos enfants, leur consacrer un peu plus de notre temps pour les écouter, dialoguer afin comprendre les difficultés qu’ils rencontrent et les accompagner vers les bonnes solutions. Je demeure convaincu que les moyens matériels et financiers auxquels beaucoup de parents consacrent leur temps à rechercher, ne peuvent pas à eux seuls faire de l’enfant/jeune un être pleinement épanoui dans la société.
- Ladika: Quels sont les retours de jeunes lecteurs et des parents que vous recevez ?
Cathy: En terme de retour sur le livre, je dois dire que je suis aujourd’hui une mère comblée. Je l’ai écrit avec l’encre de ma passion, cette passion de transmettre mes convictions et d’attirer l’attention de tous sur un danger imminent qu’est la « fabrication d’une mauvaise relève ». Edité en 500 exemplaires et dédicacé en mai 2024 je suis à une réédition donc 1000 exemplaires de mai à octobre 2024. C’est dire que le livre a touché des réalités quotidiennes d’enfants et de parents qui ne cessent de me joindre, soit pour exposer leurs difficultés avec les parents, soit pour demander que faire face à telle ou telle situation. A travers ces échanges j’ai réalisé combien cet ouvrage si petit, écrit dans un style très simple a pu répondre en partie aux attentes des jeunes et de certains parents.
- Ladika: Avec vos responsabilités professionnelles, comment trouvez-vous du temps à consacrer à l’écriture ?
Cathy: Lorsque vous avez une volonté affichée de transmettre un message et que vous êtes convaincus que le message va apporter un changement, le temps ne peut en aucun cas être un obstacle. Pour ce livre, j’ai écrit à tout moment dès que je suis inspirée. Avec le soutien de mon époux, j’écris quand tout le monde dort et qu’il y a du calme ou lorsque je suis en mission et que le programme le permet ou encore à mes moments de loisir. J’arrive ainsi à planifier mes activités professionnelles, familiales et celles d’une auteure ou écrivaine.
- Ladika: Quelle est votre citation préférée ?
Cathy: Il m’est difficile de me limiter à une citation surtout en ce qui concerne les enfants et les jeunes. Parmi tant d’autres je peux citer :
« Une jeunesse bien éduquée, est une relève assurée »
« Nos enfants valent plus qu’un trésor, pour eux, aucun sacrifice n’est de trop »
« Même si la bouche venait à contenir une seule dent, cette dent devrait rester toute blanche »
- Ladika: Citez-nous quelques auteur (es) qui vous inspirent
Cathy: Plusieurs auteurs m’inspirent mais je peux retenir entre autres Adama Amadé SIGUIRE avec son oeuvre « Le triomphe de l’amour », Il y a aussi Fatou DIOMANDE avec « Douleur intime » et enfin Bernadette DAO avec » La bonne à tout taire ».
- Ladika: Quel regard portez-vous sur la littérature Burkinabè en général ?
Cathy: La littérature en général est considérée comme le miroir de la société parce qu’elle reflète les valeurs, les croyances et les préoccupations d’une époque donnée. A travers leurs écrits les auteurs donnent leurs regards sur des faits et interpellent pour un changement. Ils jouent donc un rôle de veille et d’alerte. La littérature burkinabè se porte assez bien mais elle a encore besoin d’un accompagnement des différents acteurs pour aller mieux. Cet accompagnement peut se faire à travers la promotion des œuvres, l’incitation/l’implication des parents au retour à la lecture, la réactivation des bibliothèques scolaires…
- Ladika: Vous êtes sur le média du livre qui œuvre à la promotion de la lecture. Quels sont vos conseils à l’endroit des parents et ensuite des jeunes afin qu’ils intègrent la lecture dans leur quotidien.
Cathy: Je rappelle que les parents sont les premiers et les meilleurs exemples pour l’enfant. Sachant que l’enfant met en eux toute sa confiance, ils peuvent par exemple :
- Expliquer à l’enfant les bienfaits que la lecture procure ;
- Donner l’exemple en lisant (lire en présence de l’enfant) ;
- Prévoir un temps de lecture régulier dans le programme journalier de l’enfant ;
- Lui acheter des ouvrages adaptés à son âge ;
- Lui proposer un texte court et captivant ;
- Trouver du temps pour écouter votre enfant lire (cela le motive et le met en confiance).
Pour les jeunes :
- Réduire le temps de connexion sur les réseaux sociaux au profit de la lecture ;
- Lire des ouvrages instructifs ;
- Se fixer toujours un objectif au début de la lecture ;
- Se retirer dans un endroit approprié (calme) ;
- Insérer la lecture dans son emploi de temps ;
- Au début, s’imposer un bref résumé après lecture d’un ouvrage…
- Ladika: Nous vous remercions pour votre disponibilité qu’avez-vous à ajouter ?
Cathy: J’adresse à vous et à l’ensemble de vos collaborateurs mes sincères remerciements pour votre engagement à promouvoir les auteurs et leurs œuvres. Je vous adresse mes encouragements et mes souhaits de pleins succès. Je profite de votre média pour lancer encore un appel aux parents, aux éducateurs, aux politiques, aux autorités coutumières et religieuses, et à l’ensemble de la société à prendre à bras le corps l’éducation de nos enfants/jeunes car les bâtisseurs du Burkina Faso de paix et de justice dont nous rêvons sortirons obligatoirement de nos familles. Et si au soir de notre vie, nous n’avons pas de relève, notre passage sur terre aura été nul et sans effet. Je vous remercie
Propos recueillis par Kadidia NEBIE